Faisons-la courte.
Je suis sorti de l’Institut dans lequel j’avais été placé pour mauvais comportement déshérité par ma famille d’adoption. J’ai jamais fait l’effort de me réconcilier avec eux, petit con que j’étais.

Par contre, j’ai bossé pour voyager jusqu’à la frontière Mexicaine, et j’ai rencontré ma famille qui me pensais mort. Enfin, morte. Bref. Adorables. J’ai des parents, un papa mécano, une grand-mère belle comme un soleil, une tata, un petit frère - incroyable ! - et j’ai passé mon temps à faire des petits jobs pour m’acheter un van.

J’ai fais ma vie d’adulte dans ce van, et puis j’ai fais un peu le tour des States, entre petits jobs et œuvres étranges que les gens étaient prêt à acheter. Galère de frics, et puis honnêtement galère de juste se rappeler de manger, je suis resté crevette, et ça m’est jamais passé. Jusqu’à ce que je rencontre un gars qui décide de mettre mes conneries en galeries. Là, j’ai commencé à voir des sommes que j’avais vu qu’en restant collé aux basques des Kamel.
J’ai rencontré pleins d’artistes galériens, plein d’autre galeristes, je me suis retrouvé déchiré à des concerts, et à parler politique à 5 heures du mat avec des parfaits inconnus avec qui j’ai échangé mon numéro sur un vieux téléphone à clapet que je suis étonné de voir encore fonctionner.

Et puis, je suis revenu à LA, comme si une étrange gravité m’y rappelait. J’ai appris et j’ai compris, ce que voulaient dire mes vrais parents quand ils se taisaient quand je parlais de « l’accident ». C’était pas un accident. C’était les Norteños, et leurs frais de protection des commerces. Mon père a eu du retard après avoir payé pour les soins médicaux post-partum de ma mère après ma naissance. Ils ont pas brulé son van de mécanicien. Ils ont brulé l’appart.

Et le van, il doit porter la poisse, parce que ma galerie ambulante, ils se sont dit qu’ils allaient la taxer aussi.
A une époque, je serais mort pour avoir refusé et m’être battu. Mais y a un hic. Entre temps, j’ai attrapé un petit parasite au creux du ventre, et je pouvais plus encaisser les droites comme si j’étais un punchingball.
Alors j’ai payé. A chaque commission, les Norteños avaient leur part. Et à force de « rendre service » pour payer moins cher, j’étais devenu un maillon plus qu’une victime de plus. En un sens, j’avais plus confiance en eux qu’en les flics.

Ma grossesse s’est passée dans la douleur et la rage d’avoir pas assez préparé ce corps à l’épreuve. Mais la petite est née. Orphée est née. Nom de garçon qui chante comme une mélodie pour une petite fille trop adorable pour une mère aussi irresponsable. Les gars de Norteños  étaient comme des tontons pour elle ; parce que je payais, ils étaient gentils. Parce que je payais. Parce que je payes toujours.

La fusion a eu lieu avec les Brims. Au début ça a pas changé grand-chose, à mon échelle. C’était toujours les mêmes ‘oncles’ qui venaient nous voir, et toujours les mêmes qui collectaient une partie de mes cachets quand je faisais une belle commission.
Mais l’ambiance avait changé. Perdre leur nom, une part de leur autonomie, avoir des rivaux dans leurs rangs, des gars qui avaient buté leurs frères de sang et qui attendaient encore de pouvoir exercer des représailles… Si c’était pas les Capos qui les tenaient en laisse, ils règleraient leurs comptes en direct en bas de la rue.
On a toujours le choix. J’ai préféré dire oui, quand l’arrière du van est devenu une cache pour des kilos de cokes plutôt que de risquer de m’embrouiller avec les nouveaux gars des Brims et risquer la vie de ma gamine.

Du coup voilà. Un van, des Ateliers temporaires. Des expos, des journées à installer des grands trucs dans des entrées d’Hôtels hors de prix, et une gamine qui a pas encore l’âge d’être envoyée à l’école, un passeport précaire, un casier judiciaire encore pire…

Je m’en suis pas si mal sorti, je crois.